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Des volcans et des îles

Des volcans et des îles

Eyja pour Eyjafjallajökull

Publication initiale dans Défense de la langue française n° 236 2e trim. 2010

Avec le volcan islandais dont l’éruption a bloqué la circulation aérienne en avril, la manie de nommer les lieux dans la langue locale, en refusant le français, a fait la démonstration par l’absurde, de son ineptie. Les journalistes ont longtemps refusé l’obstacle, la presse écrite donnait le nom, mais à l’oral la périphrase triomphait. « Le volcan islandais » s’est vite imposé. Quelques présentateurs n’ayant pas prévu de stratégie d’évitement se sont lamentablement écrasés sur l’obstacle, piégés par les rédacteurs de leur annonce, qui, eux, n’avaient pas à subir l’épreuve de la prononciation. Il en est résulté un effet comique bientôt exploité par les satiristes dans des bêtisiers.

Les séquences d’informations islandaises diffusées démontraient que l’énoncé en langue locale reste parfaitement hermétique pour une oreille française. L’explication du système orthographique et phonétique de l’islandais  est inutile. L’objectif ne peut être de faire prononcer à l’islandaise (mission impossible) quand on doit s’exprimer en français.

La forme écrite Eyjafjölla un caractère exotique tellement séduisant, que les snobs, pédants et cuistres, qui ne manquent pas dans les médias, lui ont même préféré Eyjafjallajökull, le nom du glacier, qui peut aussi par métonymie désigner le volcan qu’il recouvre.

Pour une communication efficace, il suffit de s’exprimer simplement… en français. Faut-il rappeler que pour passer d’une langue à une autre, il existe une technique traditionnelle que certains semblent ignorer ou mépriser : la traduction.

- jökull est le « glacier »

- fjöll est le pluriel de fjall « mont »fjalla en est le génitif, « des monts »

- eyja est le pluriel de « île » au génitif, « des îles » (les Vestmann, au large).

L’OLNI (objet linguistique non identifié) Eyjafjallajökull devient limpide, « le glacier des monts des îles ».

Entièrement composé de noms communs, génériques d’objets géographiques courants, ce nom manque certes de spécificité pour désigner un volcan en particulier. Selon un processus habituel, la partie la plus déterminante peut être conservée sous sa forme écrite dans la langue d’origine. Soit, le mont Eyja ou l’Eyja, qui sera prononcé à la française [ɛʒa]. Vouloir imposer la prononciation islandaise serait un défi aussi vain qu’inutile, les déformations anarchiques qui seraient immédiatement produites ne feraient qu’introduire de nouvelles scories nuisibles au système du français.

On ne précise pas que c’est un volcan. Pas plus qu’en islandais, pas plus qu’en français : le mont Dore, la montagne Pelée, le puy de Sancy, le pic de la Fournaise, le mont Cameroun

Un mot qui veut dire « île » désignerait un volcan ? Pourquoi pas. C’est déjà le cas au moins d’une ville, Alger. Les noms Eyja et Alger sont synonymes par leur étymologie.[1]

Espérons que l’Eyja se fera oublier, mais que la farce à laquelle se sont laissé prendre les médias serve de leçon. Il y a toujours moyen de s’exprimer en français pour informer les francophones.

Ange Bizet

Cercle François-Seydoux

 

[1]Pour le prochain numéro, nous avons demandé à l’auteur, membre de la Commission nationale de toponymie, d’expliquer l’origine de ce nom et les procédés de dénomination.

Cf. DLF n° 237 « Des îles qui n’en sont pas ».

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